Le ridicule ne tue pas, la preuve : alors que ce gouvernement UMP est en place depuis 2002, le ministre de l’Agriculture est venu dans le Beaujolais, à quelques semaines des élections, pour promettre un « plan d’avenir » ! Non seulement les promesses ne pourront certainement pas être tenues par celui qui les fait, mais avons-nous vraiment besoin de ces promesses pour sortir de la crise ?
Car cette année encore, le Beaujolais est en crise. Les premières ventes 2006 étaient encourageantes, mais l’espoir n’aura duré qu’une semaine. Une fois passées les festivités du beaujolais nouveau, des centaines de familles de viticulteurs auront sans doute mené cette année leur dernière campagne, faute de vendre à bon prix leur production et de pouvoir rembourser leurs dettes. C’est pour moi la conséquence la plus alarmante de la crise, car pour ces familles, il ne s’agit pas seulement de la perte de leur métier, de leur outil de production ou de leur moyen de subsistance. La disparition de leur exploitation, c’est aussi l’histoire de leurs parents, d’une terre, d’un village et d’un paysage. C’est en quelque sorte se résigner à voir disparaître une partie du Pays Beaujolais.
Les causes de la crise sont désormais identifiées : excédents encouragés par une logique productiviste ; moindre consommation liée à des changements du goût des consommateurs, à une diversification de la consommation d’alcool, à une concurrence française et mondiale exacerbée, à une politique commerciale hésitante ; prix de revient trop élevés souvent dus à des investissements trop lourds et à des coûts de production très importants (densité du vignoble, structuration souvent inapte à la mécanisation) ; endettement des exploitants et accumulation des difficultés financières, sociales et techniques ; poids du négoce sur la profession et faiblesse de la vente directe.
Les réponses à cette crise importante et durable sont donc par nature multiples, et aucune d’entre elles prise isolément ne suffira. Les professions viticoles en sont conscientes et ont formulé ensemble, il y aura bientôt trois ans lors des Assises du Beaujolais, des propositions qui ont le mérite de propulser le Beaujolais vers l’avant. Encore faut-il les appliquer résolument, et pour cela savoir entraîner le plus grand nombre et se sentir soutenu par les élus locaux, les pouvoirs publics et les principaux acteurs économiques et sociaux.
Profondément divisée comme l’ont démontré les remous des derniers mois au sein des instances professionnelles, la filière viticole doit retrouver le sens de l’intérêt général, qui passera nécessairement par un autre mode de fonctionnement de l’ensemble de la profession. Il faut à tout prix sortir d’une cartellisation qui a pour principal effet de rendre difficile toute volonté de réforme. De même, il devient urgent que les dix-neuf caves coopératives beaujolaises puissent engager un mouvement de regroupement et se donner les moyens d’une politique commerciale et de vente directe plus ambitieuse et coordonnée. Le rôle des élus politiques est d’appuyer un tel mouvement, fondé sur l’intérêt général, et non d’observer les conflits sans prendre le risque d’une prise de position politique forte.
Il faudra aussi des mesures énergiques touchant les conditions de la production. Le Beaujolais n’échappera pas tout d’abord à une restructuration de l’offre afin de conforter d’autres produits que les crus et le vin primeur, qui ne peuvent suffire à la survie de la majorité des exploitations. Pour venir en aide aux producteurs de beaujolais et de beaujolais-villages, la mise en place de vins de pays, la poursuite de la diversification en blancs et rosés, la vente de « paradis », la production de jus de raisins… sont des pistes à explorer ou à poursuivre. Afin de favoriser l’emploi et les reconversions, les pouvoirs publics doivent aider la profession à privilégier la mise en bouteille sur l’aire d’appellation : cette mesure permettra notamment d’éviter les éventuelles mauvaises surprises qui pourraient nuire à l’intégrité du produit.
La restructuration du vignoble est également incontournable : la forte densité de la vigne dans la plupart des exploitations a pour conséquence majeure de rendre les coûts de production trop élevés, d’empêcher toute mécanisation, de nuire à une meilleure prise en compte de l’environnement, et de compliquer la gestion des rendements. Même si les conséquences peuvent être douloureuses, les rendements doivent être adaptés à la demande, à condition que les efforts soient répartis équitablement. La solution de l’arrachage, qui semble inévitable pour que le marché se stabilise, ne doit pas pour autant constituer un effet d’aubaine grâce aux primes qu’elle engendre : les communes et la profession doivent veiller à ce que les meilleures vignes, les paysages et l’environnement soient préservés.
Enfin, les pouvoirs publics doivent être directement impliqués, principalement les collectivités locales, en matière d’aide à l’exportation et de formation professionnelle. Il est également de leur responsabilité d’agir pour des liens plus forts avec le développement économique et touristique, alors qu’il n’y a aujourd’hui aucune réelle ambition pour développer les structures hôtelières, de loisirs et de découverte ; le bilan de l’association du « Pays Beaujolais » apparaît à ce titre bien indigent. Contre la fatalité et la résignation, des solutions existent pour faire émerger un « nouveau Beaujolais ». Voici venu le temps de la responsabilité et de l’action.
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